Allocution de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies à l’occasion de la journée internationale des migrants
Permettez-moi de rappeler donc une vérité fondamentale : nous sommes tous des migrants.
Son Excellence, Monsieur le Premier Ministre de la République,
Distingués Ministres,
Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement haïtien,
Excellences, Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique,
Cher Coordonnateur de l'Office National de la Migration,
Chers collègues du système des Nations Unies,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
C’est un honneur de m’adresser à vous aujourd’hui à l’occasion de la Journée internationale des migrants, un moment pour réfléchir au courage et aux contributions des migrants à travers le monde. Le thème de cette année, « Ici et là-bas : s’engager pour bâtir », résonne profondément avec les réalités pressantes auxquelles les migrants font face partout dans le monde.
J’aimerais partager avec vous un poème/chanson de Jorge Drexler, chanteur uruguayen qui dit :
- Nous sommes une espèce en voyage, nous n'avons pas d'effets personnels mais des bagages.
- Nous allons avec le pollen dans le vent
- Nous sommes vivants parce que nous sommes en mouvement.
- Nous traversons des déserts, des glaciers, des continents
- Le monde entier d'un bout à l'autre, têtus, survivants
- L'oeil sur le vent et les courants, la main ferme sur la rame
- Nous portons nos guerres, et nos berceuses
- Notre cours est fait de vers, des migrations, des famines
- Et c'est comme ça depuis toujours, depuis l'infini
- Nous étions la goutte d'eau voyageant sur la météorite
- On a traversé les galaxies, le vide, les millénaires
- On cherchait de l'oxygène, on a trouvé des rêves
Permettez-moi de rappeler donc une vérité fondamentale : nous sommes tous des migrants. Depuis les origines de l’humanité, les premiers hommes et femmes ont quitté l’Afrique pour se déplacer vers le reste du monde, cherchant de meilleures conditions, des ressources ou simplement de nouveaux horizons. Tout au long de notre histoire commune, les peuples se sont influencés les uns les autres, façonnant nos cultures, nos langues et nos identités. La migration n’est pas un phénomène récent, elle est au cœur de notre humanité. Personne n’est exempt d’une forme quelconque de migration, qu’elle soit volontaire ou forcée.
C’est pourquoi la migration doit être perçue comme une opportunité et non une menace. La migration est une force puissante pour le développement et le renouveau. Les voies de migration ont permis aux communautés de prospérer, a favorisé les échanges culturels et construit des ponts entre les nations. Cependant, pour beaucoup trop de personnes, la migration n’est pas un choix mais une obligation, dictée par les conflits, les difficultés économiques ou les défis environnementaux.
Haïti est un exemple frappant de ce phénomène mondial. Aujourd’hui, alors que nous sommes réunis, nous devons reconnaître la crise des déplacements vers d’autres horizons, et aussi à l’intérieur même d’Haïti. Plus de 700 000 personnes sont déplacées dans leur propre pays, contraintes de fuir à cause de l’escalade de la violence et de l’insécurité. Ce sont aussi des migrants, sur leur propre territoire, qui sont confrontés à des conditions les privant de dignité, de sécurité et d’opportunités.
D’autre part, à l’étranger, les migrants haïtiens font face à des défis immenses. Les 190 000 personnes expulsées des pays d’accueil cette année nous rappellent les dures réalités de la migration, marquées par la stigmatisation, l’exploitation et, souvent des violations graves des droits humains, au profit de réseaux internationaux de trafic illégale de personnes.
Le parcours migratoire est souvent semé d’embûches. Pour les migrants haïtiens en quête d’une vie meilleure dans des pays comme la République dominicaine, les Bahamas ou les États-Unis, les risques sont graves: exploitation par des passeurs, traversées dangereuses et conditions de vie souvent mortelles. Ces réalités soulignent l’urgence de créer des voies migratoires sûres et légales.
Cependant, la diaspora haïtienne contribue énormément aux pays d’accueil, excellant dans des secteurs tels que l’agriculture, la santé et l’éducation, tout en plaidant pour un changement positif par le biais de l’activisme politique et communautaire. Mais la diaspora haïtienne contribue aussi à l’économie nationale : d’après l’Economiste Etzer Emile, en 2023 elle a contribué 25% du PIB et ces envois de fonds soutiennent totalement ou partiellement plus de 50 % des familles en Haïti pour couvrir principalement les frais de scolarité, le loyer, la nourriture et le transport. D’autre part, les envois de fonds de la diaspora forunissent indirectement, à l'économie haïtienne des dollars pour financer les importations du pays.
Mesdames, messieurs
Il est fondamental d’affronter aussi l’impact du changement climatique dans la migration. De plus en plus, la dégradation de l’environnement oblige des familles à abandonner leurs foyers, ajoutant à la complexité de la crise migratoire. S’attaquer aux causes profondes de la migration—qu’il s’agisse de la violence, de la pauvreté ou des défis environnementaux—est essentiel pour faire de la migration un choix, et non une nécessité.
Le thème de cette année nous invite à nous engager, ici et là-bas, ou qu’on soit, pour construire des solutions.
Pour Haïti, cela signifie améliorer les opportunités pour les jeunes, stimuler la croissance économique et créer des conditions qui encouragent les Haïtiens à investir leurs compétences et leurs énergies chez eux. Pour la communauté internationale, cela signifie accueillir les migrants haïtiens comme des partenaires du développement et des agents de changement positif.
Rappelons-nous que la migration a toujours été une histoire d’espoir—celle d’individus cherchant une vie meilleure pour eux-mêmes et leurs familles. Nous avons tous, dans notre histoire, quelque part, été des migrants. Il est de notre responsabilité commune de faire en sorte que cet espoir soit accueilli avec dignité, respect et opportunités.
En cette Journée internationale des migrants, j’appelle chacun de nous—gouvernements, organisations et individus—à s’engager pour bâtir un avenir où la migration ne sera pas marquée par la peur et le danger, mais par l’opportunité et le respect mutuel.
Ansanm, nou ka onore kouraj migran yo epi rekonèt gwo potansyèl yo pote nan mond nou an.
Ensemble, nous pouvons honorer le courage des migrants et reconnaître le potentiel immense qu’ils apportent à notre monde.
Je vous remercie.