Une matinée au centre de traitement de choléra
Plus de 9 317 cas suspects de choléra ont été rapportés en Haïti. Plus de la moitié sont âgés de moins de 14 ans.
L’entrée s’ouvre sur une grande salle, ou s’alignent une centaine de petits lits et des chaises. Ils sont tous pris. Le centre de traitement de de diarrhées aigües (CTDA) du Groupe Haïtien d’Étude du Sarcome de Kaposi et des Infections Opportunistes (Gheskio) au bas de la ville, reçoit une dizaine d’hommes, de femmes et d’enfants par jour depuis qu’il a rouvert il y’a deux semaines. « Ce centre était fermé depuis la fin de la dernière épidémie de choléra en Haïti. Là, nous venons tout juste de le rouvrir pour répondre à cette crise », dit Dr Marie Marcelle Deschamps, Directrice adjointe de Gheskio.
Le 2 octobre, le gouvernement haïtien a déclaré la résurgence du choléra en Haïti après trois ans sans un seul cas signalé, ce qui menace le bien-être et la santé de 1,2 million d'enfants vivant dans la capitale haïtienne Port-au- Prince. L’épidémie s’est déclarée à Cité Soleil, un des quartiers les plus vulnérables d’Haïti, alors que le pays est en proie à des affrontements entre groupes armés et de violentes manifestations contre la hausse des prix depuis mi-septembre.
En date du 15 novembre, le Ministère de la Santé et de la Population (MSPP) a signalé 807 cas positifs confirmés, 9317 cas suspects et 57 décès dans les établissements de santé. Ces cas sont rapportés dans différentes communes du département de l'Ouest telles que Port-au-Prince, Cité Soleil, Delmas, Pétion Ville et Croix des Bouquets et à Mirebalais dans le département du Centre.
Le choléra met davantage en danger la vie des enfants malnutris
Dr Deschamps présente les défis du centre à Bruno Maes, Représentant de l’UNICEF en Haïti, alors qu’ils font les allées pour parler aux patients. Un mot de réconfort par-ci, un petit mot doux par-là afin qu’ils tiennent le coup. De nombreuses mères continuent d’affluer dans la grande salle, leur enfant à sur la poitrine. Le centre est situé non loin de plusieurs quartiers défavorisés comme Martissant, Carrefour Feuille et Cité Soleil, ravagés par la guerre des gangs armés où sévissent la pauvreté et la malnutrition. « Y’a tellement d’enfants parmi les patients et ils sont tous mal malnutris. S’ils font la diarrhée et vomissent à cause du choléra, leur vie est en danger », souligne Maes. Plus de la moitié des personnes qui développent des symptômes du choléra ont moins de 14 ans, et les enfants âgés d’un à quatre ans sont les plus durement touchés.
Selon les dernières données disponibles sur la malnutrition à Cité Soleil, qui a enregistré le premier cas de choléra dans le pays, un enfant de moins de cinq ans sur cinq souffre de malnutrition aiguë sévère ou modérée. En raison de la rareté des services de base dans ces quartiers défavorisées, on craint que de nombreux enfants ne meurent de cette résurgence du choléra.
L’UNICEF a appuyé Gheskio en intrants médicaux et en équipements de protection individuelle (EPI) comme des gants, des chemises médicales et des masques. Gheskio a la capacité de produire 300 litres d’eau chlorée par jour. Cependant, les défis persistent et ils risquent d’avoir raison du centre dans les jours à venir. « Nous avons de gros problèmes d’approvisionnement en carburant et de recrutement de nouveaux agents. Pour le nombre de personnes que nous recevons chaque jour, nous n’avons que huit agents. Nous sommes débordés. Celle-ci a passé la nuit ici et elle continue la journée », insiste Dr Deschamps, montrant du doigt une infirmière en tunique bleue, la fatigue d’une nuit sans sommeil bien lisible sur son visage.
Cholera could spread like wildfire
Dans la cour, à l’entrée du bâtiment, s’est tenue une réunion de coordination express afin que le problème de carburant puisse être résolu. « Taz, nous avons besoin de 3 000 gallons de carburant à Gheskio », dit au téléphone M Maes à la Cheffe des urgences Dorica Tasuzgika Phiri. « Il serait préférable de trouver du carburant à livrer directement », ajoute-t-il, car le carburant reste difficile à trouver depuis que des groupes armés ont bloqué l’accès au port principal de la capitale haïtienne. Taz et Dr Deschamps continuent de discuter pour trouver le moyen le plus sûr pour livrer le carburant.
Gheskio compte aussi engager plusieurs agents de santé communautaires qui pourraient se déployer dans les familles et leur apprendre à préparer le sérum oral à donner aux patients dès les toutes premières heures. Plusieurs patients arrivent au centre, déshydratés, et risquent de mourir s’ils ne sont pas traités en urgence. « Le choléra peut facilement se propager comme une traînée de poudre à travers Haïti si les gens continuent à n'avoir aucun accès ou un accès limité aux services de santé, d'eau et d'hygiène de base en raison de l'insécurité », déclare Maes. « Pour réduire les risques d'une épidémie majeure, notre préoccupation la plus urgente n'est pas seulement d'acheter et de livrer de l'eau potable, du chlore et du savon, mais de trouver des moyens d'atteindre les familles les plus pauvres dans les zones contrôlées par les gangs ».
L’UNICEF a fourni à ses partenaires Médecins du Monde (MDM) Argentine, Centre Hospitalier Fontaine, Médecins sans Frontières (MSF), le Département sanitaire de l’Ouest (DSO) et Gheskio, divers intrants dont cinq réservoirs pliables pouvant stocker 40 000 litres d’eau potable, 2 500 rouleaux de papier toilette, 13 000 savons de lessive et de toilette, 1 700 gallons en plastique, 2 800 serviettes hygiéniques, 20 kits de testeur de chlore et 4 700 packs de 50 comprimés de purification d'eau.
Fin 2021, l'UNICEF a lancé un appel de 97 millions de dollars pour atteindre 950 000 personnes, dont 520 000 enfants en Haïti avec une aide humanitaire. À ce jour, l'UNICEF n'a reçu qu'un tiers de ces fonds.