Déclaration de presse de William O'Neill, expert des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti
11 mars 2025
Prononcé par
William O'Neill, expert des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Haïti
À
New York
Bonjour à tous, merci de votre présence.
Je reviens juste d’Haïti, où j’étais en mission de terrain pour faire un faire état des lieux de la situation des droits de l’homme. Cette visite est la quatrième depuis ma nomination par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme, il y a deux ans.
Ce bref séjour, m’a permis de prendre la mesure de la situation, non seulement de sa gravité, mais aussi et surtout, de la douleur et du désespoir de toute une population. La souffrance imprègne toutes les couches sociales, en particulier, des plus vulnérables. Malgré les efforts déployés par la Police Nationale d’Haïti (PNH) et de la Mission nationale d’appui à la sécurité (MMAS), le risque de voir la capitale tombée sous le contrôle des gangs est palpable.
Ces violents groupes criminels continuent d’étendre et d’asseoir leur emprise au-delà de la capitale. Ils tuent, violent, terrorisent, incendient les maisons, les orphelinats, les écoles, les hôpitaux, les lieux de cultes, recrutent des enfants et infiltrent toutes les sphères de la société. Tout ceci, dans la plus grande impunité et parfois, comme le soulignent beaucoup de sources, avec la complicité d’acteurs puissants.
Les témoignages reçus parlent d’eux même, et ne souffrent aucun commentaire.
*P., 16 ans, a survécu au pire. « Sept bandits armés et masqués sont entrés chez moi, à Kenscoff, ils nous ont violées et battues, moi et ma belle-mère. Puis, ils ont tué mon père devant moi. La douleur est atroce. Parfois, je l’oublie ; puis, elle revient. La nuit, je crie ». En attendant, elle « danse » et « rêve d’être psychologue pour les jeunes survivantes, » comme elle. La jeune fille est hébergée par un centre d’accueil, pour quelques semaines seulement. Selon la société civile, la violence exacerbe tous les besoins. Il n’y a pas suffisamment de ressources pour prendre en charge toutes les victimes.
« Je veux seulement retourner dans la rue », a conclu L., 12 ans, enfant recruté de force par les gangs. Il est actuellement incarcéré au Centre de rééducation des mineurs de Port-au-Prince, et accusé d’association avec les gangs. « Je ne veux plus de bandits dans mon pays. Plus tard, je serai pilote », a-t-il ajouté.
La violence a créé plus d’un million de déplacés internes, et encore des milliers ont été déplacés ces dernières semaines. Ils n’ont nulle part où aller. Des étudiants ont récemment lapidé des déplacés qui occupaient leur école pour les faire partir, de peur de ne pouvoir y retourner. Dans les camps de fortune, la faim et la violence sexuelle sont monnaie courante. Il s’agit pour beaucoup de survivre.
L’unité et la solidarité doivent guider l’action politique à tous les niveaux, dans l’intérêt de la population.
Ils doivent être les principes directeurs de tous les acteurs haïtiens en priorité, afin d’assurer la sécurité, la primauté de la justice et la survie de l’Etat. La lutte contre l’impunité et la corruption, sont des obstacles majeurs au démantèlement des gangs. Il faut donc que l’Etat haïtien fasse la lutte contre ces deux fléaux une priorité absolue. Il convient par ailleurs de rappeler que la lutte contre les gangs doit s’inscrire dans le strict respect du droit international des droits de l’homme en particulier, du droit à la vie. Aucune circonstance, aussi exceptionnelle soit-elle, ne doit justifier la violation de ce droit fondamental.
La communauté internationale quant à elle, doit agir sans délai, et de manière total et effective pour mettre en œuvre les engagements pris, notamment en ce qui concerne le régime des sanctions, l’embargo sur les armes, ainsi que le renforcement substantiel du soutien sécuritaire multinational, dans le respect du droit international des droits de l’homme.
Il n’y a pas un jour à perdre. Il n’y a pas d’alternative. C’est de la survie d’Haïti qui est en jeu.
*Les noms ne sont pas divulgués pour protéger l'identité des victimes.
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