Témoignages de mères face au choléra
Les enfants malnutris courent trois fois plus de risque de mourir du choléra.
Alors qu'une grande partie du pays est confrontée à une insécurité alimentaire croissante, les enfants souffrant de malnutrition aiguë ont un système immunitaire affaibli et courent au moins trois fois plus de risques de mourir s'ils contractent le choléra, renforçant davantage la nécessité d'une action urgente pour contenir la maladie. Depuis que le choléra a été signalé pour la première fois le 2 octobre 2022, il y a eu 22 décès enregistrés dans les institutions sanitaires. Au 13 octobre, il y’a 425 cas suspects, dont plus de la moitié chez des enfants de moins de 14 ans. Les enfants âgés d’un à quatre ans sont les plus à risque.
Le centre de traitement de diarrhées aigües de (CTDA) de Gheskio à Bicentenaire, est situé non loin de Martissant, Carrefour Feuille et Cité Soleil, des quartiers défavorisés ravagés par la guerre des gangs armés où sévissent la pauvreté et la malnutrition. Là, une grande salle accueille 74 personnes souffrant des symptômes du choléra. La majorité sont des femmes et des enfants.
Voici leur témoignage
Roseline Céus, 18 ans, mère de jumeaux d’un an.
Mon nom est Roseline Céus, j’ai 18 ans et je viens de Cité Plus,
Ça fait déjà trois jours depuis que mon enfant est malade, mais je n’avais pas d’argent pour l’amener à l’hôpital ni personne pour m’y accompagner. L’enfant avait une diarrhée vraiment liquide.
J’étais obligé de prendre la route avec mon bébé. Alors, un ami m’a vue et m’a amenée ici à l’hôpital.
Quand je suis arrivée ici, j’étais désorientée. Je ne savais pas où aller. Je tournais en rond avec l’enfant. Mais quand je me suis rendu compte qu’il était sur le point de mourir, j’ai demandé de l’aide à un médecin. Il m’a aidé et a mis l’enfant sur sérum. Les médecins ne m’ont encore rien dit mais ils prennent soin de mon enfant. Je vois que mon garçon souffre car je n’ai rien à lui donner. Il n’a pas mangé depuis que nous sommes arrivés ici et je n’ai rien à lui donner. Hier, je lui ai préparé de la banane mais il ne l’a pas mangé. Il a un an. Ma fille, elle, a la diarrhée aussi mais son cas n’est pas grave.
Je crains pour mes enfants. J’ai peur qu’ils attrapent des maladies graves car je n’ai personne pour m’aider. Cet enfant était malade et il était déjà hospitalisé ici. Il était déshydraté.
Là où j’habite, ce n’est pas bon. Il y’a souvent des tirs et on ne peut pas sortir.
On a du mal à trouver de l’eau potable. J’aimerais qu’on m’aide avec mes deux enfants parce que je n’ai personne pour m’aider.
Lounas Etienne, 43 ans, mère d’un enfant malade
Je m’appelle Lounas Etienne, j’ai 43 années et j’habite à Wharf Jérémie.
Nous sommes ici depuis lundi à 2h de l’après-midi. Mon garçon vomissait et il avait la diarrhée.
J’ai remarqué qu’il avait la maladie depuis lundi vers 4h du matin. Je suis allée avec lui chez les bonnes sœurs et elles lui ont donné du sérum, et après, nous sommes venus ici.
Quand je suis arrivée ici, ils l’ont mis sur sérum et les médecins m’ont donné du sérum oral pour lui.
Mon fils ne va pas bien. Il ne mange plus. Il a encore la diarrhée mais je ne m’inquiète plus pour lui. Tout ira bien car il est déjà entre les mains des médecins.
J’aimerais qu’on m’aide avec les médicaments parce que je n’ai rien. Mon fils n’a pas de père. Je suis seule à me battre pour le garder en vie.
Edrige Antoine, 31 ans, enceinte de 7 mois
Je m’appelle Edrige Antoine, j’ai 31 ans et j’habite à Cité Plus.
Je ne me sentais pas bien depuis mercredi matin. Je vomissais. Les voisins m’ont rapidement amenée à l’hôpital car je ne pouvais pas me tenir debout. Ils m’ont amenée directement à l’hôpital. Ici, les médecins m’injectent du sérum car j’étais en mauvais état. Maintenant, je vais mieux.
Je suis enceinte de sept mois et j’ai peur de perdre mon enfant.
Là où j’habite, il y’a parfois des tirs, mais je n’ai pas rencontré de difficultés pour venir à l’hôpital.
À Cité Soleil, où le premier cas de choléra a été signalé, jusqu'à 8 000 enfants de moins de cinq ans risquent de mourir de malnutrition concomitante, d'émaciation dans ce cas, et de choléra, à moins que des mesures urgentes ne soient prises pour contenir cette menace. Des milliers de familles se débattent avec le manque de nourriture alors que ce quartier défavorisé est ravagé par la violence et la menace des gangs armés, ce qui réduit considérablement l'accès des populations aux services de base. La situation nutritionnelle déjà fragile est aggravée davantage par l'inflation, la flambée des prix des denrées alimentaires, la pauvreté généralisée et le faible pouvoir d'achat, en plus de l'épidémie de choléra actuelle, mettant en danger la vie de milliers d'enfants malnutris.
« La crise en Haïti est de plus en plus une crise des enfants », a déclaré Bruno Maes, Représentant de l'UNICEF en Haïti. « Une personne sur trois souffrant du choléra a moins de cinq ans. Pour les enfants qui sont déjà affaiblis par le manque d'aliments nutritifs, attraper le choléra et en subir les effets, notamment la diarrhée et les vomissements, est proche d'une condamnation à mort. Ils doivent être identifiés et traités de toute urgence, et des mesures concrètes doivent être prises afin de prévenir de nouveaux cas de choléra dans les communautés. »
L'UNICEF a lancé un appel préliminaire pour une réponse spécifique au choléra de 22 millions de dollars US.