Rebâtir des écoles, un retour à la vie pour toute une communauté
Trois mois après le séisme, quatre premières écoles réhabilitées sous l’égide du ministère haïtien de l’Education s’apprêtent à être inaugurées.
Un premier pas d’un programme ambitieux qui doit encore être financé pour pouvoir aboutir.
En cet après-midi de novembre, sous une chaleur tropicale, Renel Begrade termine à la hâte le dernier muret de l’Ecole Notre Dame de Lamercie de la commune de Fonds-des-Nègres.
Plus de 2 000 personnes sont mortes et avec 1 200 écoles détruites, des milliers d'écoliers ont été confrontés à l'insécurité alimentaire - en Haïti, 345 000 enfants dépendants du Programme alimentaire mondial (PAM) pour les repas scolaires quotidiens.
Encore quelques briques, un peu de mastic et une couche de peinture, "il faut faire vite, tout doit être prêt dans quelques semaines pour le retour des premiers élèves", se motive le maçon natif du village.
Alors le Gouvernement haïtien en a fait une priorité. Un retour à la normale passera avant tout par la reprise de la vie scolaire et le retour sur les bancs des classes des milliers d’élèves qui en sont encore privés. Car plus que de l’éducation, c’est d’une partie de leur vie d’enfant dont ils sont coupés mais aussi de l’assurance d’un repas quotidien servi par les cantines.
"En apprenant qu’on allait nous aider pour la reconstruction de l’école, les sourires sont revenus sur les visages des écoliers, des enseignants et de tous les gens de la communauté. Ça va permettre de refermer en partie les cicatrices du tremblement de terre. Et sous les tonnelles, on attend avec impatience l’inauguration du nouveau bâtiment" se réjouit Etienne Molière, le directeur de l’établissement.
Car depuis trois mois le ministère de l’Education, sa cellule d’urgence et la Direction du génie scolaire, soutenus par le Programme alimentaire mondial (PAM), sont à pied d’œuvre. Le défi est énorme : il s’agit de réhabiliter les établissements détruits en un temps record malgré les stigmates encore bien présents du tremblement de terre, l’insécurité et la crise du carburant qui freine les accès et l’avancement des chantiers.
Pour cela un modèle novateur a été conçu. Il s’agit d’une structure évolutive qui peut être transformée en bâtiment permanent.
Le module comprend une salle de classe, une cuisine et un espace de stockage, et il peut être agrandi pour inclure des salles de classe supplémentaires.
Le gouvernement haïtien a mobilisé sous sa direction les autorités locales, le secteur privé, les autres agences des Nations unies, dont l'UNICEF et l'UNOPS, les ONG et les groupes tels que le secteur de l'eau, de l'assainissement et de l'hygiène. Et tous les acteurs ont dû relever de nombreux défis à commencer par l’accès et le déblayage.
"Pour notre part, il fallait tenir compte des risques de catastrophes naturelles de la région. Alors, grâce à l’équipe d’Engineering, les écoles reconstruites sont toutes parasismiques et anticycloniques", précise Tanguy Armand, le chef des Infrastructures du PAM en Haïti, qui souligne la modernité du design des nouveaux bâtiments. "L'espace est aéré, lumineux, et inclut l'accès aux personnes à mobilité réduite. On constate déjà une augmentation des nouvelles inscriptions !" se réjouit-il.
Les murs de cette école qui accueillait plus de 200 élèves n’ont pas résisté au tremblement de terre qui a frappé Haïti et particulièrement cette région du Sud du pays le 14 août dernier. "Ce jour-là, j’ai vécu l’une des pires journées de ma vie…Tout le monde pleurait. Evidemment, je pensais qu’on ne pourrait plus avoir d’école ici avant très longtemps", se souvient Renel.
"Nous reconstruisons un bâtiment solide. Et en travaillant sur ce chantier, j’ai même pu gagner assez d’argent pour payer la scolarité de mon enfant".
Comme cet établissement du département des Nippes, c’est plus de 1 200 écoles qui ont été touchées dans les trois régions les plus affectées du pays par ce séisme.
Quatre premières écoles ont déjà été financées par la Suisse pour un budget ambitieux de 80 000 dollars US chacune. D’ici la fin 2022, le PAM, en soutien du ministère haïtien de l’Education, espère reconstruire 190 écoles dans trois départements mais pour cela il faudra réunir en urgence les plus de 16 millions de dollars US nécessaires.
Alors en attendant, Renel le maçon de Fonds-des-Nègres n’est pas peu fier de finir le chantier de l’une des premières écoles reconstruites. Dans quelques jours, il accompagnera son propre fils pour une rentrée des classes dont ils se souviendront tous les deux à coup sûr. « J’ai vraiment cru que la porte de l’école resterait fermée cette année. Mais avec ce projet, c’est la vie qui redémarre ! »
Sur les collines qui font face d’autres écoliers espèrent à leur tour retrouver le tableau noir et la sonnerie de la récréation. En Haiti, la sécurité alimentaire de 345 000 enfants dépend aussi des cantines scolaires du programme du PAM.
Pour cette nouvelle année scolaire 2021-2022, le PAM a reçu le soutien du Canada, de Education Cannot Wait, de la France et du Programme Mc Govern Dole du Département de l'Agriculture des États-Unis (USDA) pour ses programmes d’alimentation scolaire.